mercredi 23 décembre 2009

Savoir/Agir n°10 - Figures patronales

Savoir/Agir 10, Figures patronales, Décembre 2009.





Helene Michel et Sylvain Laurens, Figures patronales.
Nicolas Jounin et Louise Paternoster, Un patron peut en cacher un autre, Sous-traitance et intérim dans les secteurs du bâtiment et du nettoyage.
Helene Michel et Laurent Willemez, Les employeurs de l’économie sociale : des patrons comme les autres ? Une enquête aux prud’hommes.
François-Xavier Dudouet et Eric Grémont, Les grands patrons français et la crise financière.
Frédéric Pierru, Les clercs du génie patronal, la légitimation experte de la réforme de l’assurance maladie.
Sabine Rozier, Une « piqure d’économie », Enquête sur les activités d’un cercle de grandes entreprises.
Michel Offerlé, Un patronat entre unité et divisions, Une cartographie de la représentation patronale en France.


« Patron » n’est plus un terme à la mode. Du moins pas dans la littérature scientifique. Le terme n’est pas défini dans les dictionnaires économiques ou sur le site de l’INSEE, on ne le rencontre pas dans les grands classiques de vulgarisation économique et rares sont les articles académiques à l’utiliser.
Il semble que la volonté patronale d’évacuation de ce terme ait finalement été un succès. Michel Offerlé , dans un long entretien, nous rappelle que les organisations patronales ont « essayé de substituer la terminologie entrepreneuriale au terme de patron ». Ainsi, en 1998, le Conseil National du Patronat Français (CNPF) est devenu le Mouvement des entreprises de France (MEDEF). Avant le CNPF, dès 1968, les Centres des Jeunes Patrons (CJP) était devenu le Centre des Jeunes Dirigeants (CJD). « Il s’agit à la fois de se démarquer d’un terme qui renvoie davantage au propriétaire d’une entreprise familiale qu’à la figure du manager et de prendre acte du fait que la perception du « patron » est très négative au sein de la population française. » De nombreux mots plus « modernes », moins connotés « lutte des classes » que celui de « patron » vont émerger. On parlera désormais de chef d’entreprise – bien que le terme de chef soit encore trop péjoratif, d’entrepreneur, de dirigeant, de manager. Lorsqu’on connaît la performativité des mots, on comprend l’importance de cette lutte symbolique de dénomination.
Si le terme de patron a quasiment disparu des discours des organisations patronales et de la littérature économique, il garde toute sa prégnance dans le vocabulaire ordinaire. Par exemple, dans le quotidien Le Monde, le terme « patron » apparaît dans 546 articles au cours de l’année 2009, soit environ deux articles par jour qui mentionnent les patrons.


Dans ce grand entretien, Michel Offerlé, spécialiste des organisations patronales, décrit  la diversité des figures patronales. Il montre qu’il y a toujours eu une pluralité interne au patronat, des conflits et des clivages internes, ce qui s’observe dans les organisations patronales. Le Medef regroupe des fédérations : la métallurgie, la chimie, le textile qui sont des fédérations « historiques », mais aussi les assurances, la banque, l’intérim, les cabinets de conseil, la grande distribution, qui sont des fédérations « montantes ». Si la CGT a plus de 30 fédérations et la CFDT moins de 20, le Medef en a plus de 80. La confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) en a plus de 200.
La taille des entreprises est également un clivage interne au patronat. Les grandes entreprises et les PME ont-elles les mêmes intérêts ? Peuvent-elles être représentées par les mêmes organisations ? Quel point commun entre un grand patron du CAC 40 et les patrons de PME, dont les salaires s’échelonnent en gros entre 3000 et 12000 euros ? Offerlé nous rappelle qu’il n’existe que 2500 entreprises de plus de 500 salariés en France, ce qui signifie que le gros des adhérents du Medef est constitué de PME.
Le rôle des organisations patronales est de structurer ces fédérations qui n’ont pas toujours des intérêts concomitants : par exemple il faut concilier les banquiers et les PME qui demandent des crédits ; la fédération de la grande distribution s’oppose à celle de l’alimentation. C’est une des fonctions principales des organisations syndicales de fédérer les membres malgré les intérêts particuliers : c’est autant le cas pour la classe ouvrière que pour le patronat.
Cela dit, il existe un certain fonds commun à toutes les organisations patronales : « les charges sont trop lourdes, l’économie française n’est pas assez compétitive, on ne travaille pas assez en France, nous sommes dans la mondialisation et il faut laisser les chefs d’entreprise agir, il faut laisser faire le marché ».


Mais finalement, qu’est-ce qu’un patron ? En l’absence de définition institutionnelle (le terme n’est pas défini sur le site de l’INSEE et n’a pas de valeur juridique), un certain flou semble entourer cette notion. C’est justement un des intérêts de ce dossier de montrer à quel point il est difficile de définir le patronat, car c’est un ensemble très hétérogène. 

La pensée marxiste oppose le patronat au salariat : les propriétaires des moyens de production d’une part et  les travailleurs qui leur vendent leur force de travail d’autre part. L’article de François-Xavier Dudouet et Eric Grémont nous rappelle pourtant qu’il existe des patrons salariés.
Schématiquement, on peut distinguer deux types de patron : les patrons propriétaires et les patrons managers. Les premiers correspondent à la figure marxiste du patronat. Ce sont les propriétaires des moyens de production qui sont légitime pour prendre les décisions qui engagent l’entreprise. Les seconds, les managers, sont des professionnels de la direction d’entreprise. Ils sont désignés par le conseil d’administration pour diriger l’entreprise, ce sont les PDG. Ils sont salariés et leur mandat est révocable sur décision du conseil d’administration.
Or, « En France, comme dans la plupart des pays développés, les dirigeants de grandes entreprises sont de moins en moins souvent des propriétaires et de plus en plus des managers ». Ainsi, en 2002, 85% des patrons des entreprises du CAC40 étaient des managers.
Par ailleurs, cet article apporte une dimension de plus à la définition du patronat : le patron n’est pas forcément un individu isolé à la tête de son entreprise. IUne vision collective du patronat d’une grande entreprise semble plus pertinente :
La figure mythique du président-directeur général (PDG), qui fut particulièrement en vogue entre les années 1950 et 1990, apparaît en déclin en ce début des années 2000 : 27 PDG pour 51 entreprises en 2002 contre 17 pour 47 en 2008. Le cumul des fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général qu’incarne le PDG est de plus en plus rare ces dernières années, au profit des gouvernances bicéphales, notamment avec conseil de surveillance et directoire. L’essor de cette formule incite donc à développer une vision plus large des grands patrons en incluant indistinctement les PDG, les présidents du conseil, les directeurs généraux, les présidents du directoire et gérants pour les sociétés commandite par action. Avec cette définition, on obtient une population de 136 patrons pour les entreprises cotées au CAC 40 entre 2002 et 2008.
Cet article propose par ailleurs une sociographie des grands patrons des entreprises cotées au CAC40 . Sans surprise, l’échantillon est quasiment exclusivement masculin (seulement trois femmes entre 2002 et 2008), avec une proportion non négligeable d’étrangers (17%). Le capital scolaire joue un rôle primordial pour devenir un patron, notamment chez les managers : Sur 113 patrons français, 87 sont passés par une grande école (ENS, ENA, Polytechnique, les Mines, les Ponts, Centrale, HEC ESSEC, ESCP, Science-Po..), soit 77% de l’échantillon (62% des propriétaires et 80% des managers). Polytechnique et l’ENA fournissent plus de la moitié des managers français. Par ailleurs, 30% des managers sont issus des grands corps d’Etat (Conseil d’Etat, Cour des comptes, inspection des Finances, corps des Mines, Corps des Ponts et Chaussée, Corps des Télécoms). Par exemple, l’essentiel du système financier français est aujourd’hui dirigé par d’anciens inspecteurs des finances (seul le Crédit agricole échappe à la règle). 
Ainsi, tous les patrons ne sont pas indépendants. Patronat et salariat ne sont pas forcément opposés. A ce propos, les auteurs de cet article proposent une hypothèse intéressante : dans le scandale des rémunérations des grands patrons, ce qui pose problème, ce n’est pas tant la hauteur des sommes, en jeu c’est surtout le fait que ces patrons managers soient salariés et non pas propriétaires. On retrouverait le même phénomène dans le scandale des bonus attribués aux traders :
Ce qui est implicitement en cause à travers la rémunération des dirigeants, c’est leur légitimité à convertir un capital professionnel en capital économique. Tout d’abord, le fait de gagner beaucoup d’argent, même dans des proportions considérables, n’est pas, dans nos sociétés, considéré comme un mal en soi. Les artistes et les sportifs qui touchent parfois des rémunérations bien supérieures et auxquels se comparent souvent les grands patrons, ne font pas l’objet d’une condamnation sociale équivalente. Au-delà de l’argument, discutable, qui voudrait que celui qui dirige soit payé au moins autant que celui qui divertit, la comparaison est intéressante pour souligner que la capacité à percevoir telle ou telle rémunération dépend en définitive de la légitimité socialement reconnue à toucher telle ou telle portion des ressources disponibles. Or, ce que nous disent les scandales sur la rémunération des grands patrons, c’est que certains d’entre eux en tout cas, n’occupent pas, dans l’échelle des valeurs sociales, une position propre à légitimer un tel enrichissement. Car c’est bien d’enrichissement qu’il s’agit, mais un enrichissement d’un certain type, celui des patrons managers. En effet, les patrons propriétaires, par la valorisation de leur patrimoine en actions, ne sont pas soumis au même opprobre alors qu’ils s’enrichissent bien plus. Leurs gains peuvent se chiffrer en centaines de millions d’euros par an, tandis que les managers dépassent rarement 5 millions. Mais, bien que les fortunes patrimoniales soient régulièrement dévoilées et commentées par la presse, elles n’ont jamais, à notre connaissance, suscité les scandales médiatiques des affaires Jaffré, Zacharias ou Bouton. Ce qui est condamné dans la rémunération des grands patrons, ce n’est donc pas l’enrichissement patrimonial, mais l’enrichissement de ceux qui, « venus de rien », économiquement parlant, en viennent à faire fortune sans jamais avoir risqué leur capital. Au contraire, ils ont bénéficié durant la plus grande partie de leur carrière d’un statut de salarié, voire, un temps, de celui de fonctionnaire.


Si les patrons managers du CAC40 sont des salariés, leurs décisions doivent favoriser le capital, au détriment du travail. En effet, leur objectif est d’abord plaire aux actionnaires du conseil d’administration car c’est le seul organe qui puisse les révoquer. Les patrons managers ne sont donc que formellement des salariés.
Au contraire, certains patrons ne sont-ils pas davantage favorables aux salariés ? L’article de Hélène Michel et Laurent Willemez s’intéresse aux employeurs de l’économie sociale. Ces patrons sont ils « des patrons comme les autres » ? Pour répondre à cette question, les deux chercheurs ont enquêté aux prud’hommes, pour comprendre si les décisions prises par les patrons de l’économie sociale différaient des décisions prises par les autres patrons.
L’Association des employeurs de l’économie sociale (AEES) progresse en effet dans les élections prud’hommales concernant le collège employeur. Elle passe de 11,29% en 2002 à 19,05% en 2008. Les employeurs de l’économie sociale sont les employeurs à la tête d’entreprises du secteur non-marchand telles que les mutuelles de santé et les mutuelles d’assurance, les établissements du secteur sanitaire et médico-social à but non lucratif, les associations, coopératives et les fondations. Ce secteur est composé de 760 000 entreprises employant près de deux millions de salariés, soit 12% de l’ensemble des salariés du secteur privé.
La présence de ces « employeurs pas comme les autres » modifie-t-elle les pratiques de jugement aux prud’hommes ? Développent-ils une « fibre sociale » ? Les auteurs de cet article sont prudents dans leurs conclusions. Il n’y a pas de grande différence de pratiques entre ces patrons et les autres car, une fois élus, ils jugent « au nom du peuple » et « laissent leur casquette syndicale au vestiaire ». Aussi, « les conseillers de l’économie sociale restent-ils d’abord et avant tout des employeurs pour les conseillers du collège salarié ». « Mais du coté des employeurs, les conseillers de l’économie sociale ne sont pas forcément considérés comme de « vrais » patrons. » Ces patrons sont donc pris dans un entre deux. Mais ce sont les employeurs qui votent pour le collège employeur lors des élections prudhommales, donc, stratégiquement, les employeurs de l’économie sociale ne doivent pas être toujours du coté des salariés s’ils veulent recevoir des voix aux lors des élections futures. Ils doivent donc « se faire patrons ».


L’article de Nicolas Jounin et Louise Paternoster confirme la difficulté à définir simplement le patronat. Dans le cas des entreprises sous-traitantes, la notion de patronat se dilue fortement. Lorsqu’un salarié travaille pour une entreprise de sous-traitance, qui est son patron ? Son employeur légal, le PDG de l’entreprise sous-traitante, ne se considère pas comme un patron (« on n’est pas des patrons!») alors que son patron officieux mais réel n’a aucun rapport juridique avec lui. Dans ces conditions, on peut parler de « dédoublement du patronat ». Le donneur d’ordre (l'entreprise qui a recours à la sous-traitance) peut être considéré comme un « extorqueur lointain de la plus-value réalisée sur le travail des ouvriers », même s'il n'est pas formellement le patron.
Les auteurs rappellent utilement que c’est en 1973 que le code des marchés publics cesse d’exiger une autorisation préalable pour sous-traiter. A partir de cette date, les entreprises peuvent externaliser sans contraintes leur production. Le recours à la sous-traitance permet de la flexibilité pour les entreprises dans la mesure où il y a un jeu sur les notions de contrat de travail et de contrat de vente.
Les stratégies d’externalisation s’interprètent notamment comme un moyen de contourner des règles (le droit du travail) grâce à d’autres (le droit commercial) : les entreprises commanditaires recourent au contrat d’entreprise pour se débarrasser du contrat de travail, dont la rupture est plus difficile. Cette conversion juridique à son pendant dans l’organisation des entreprises : ce ne sont plus les directions des ressources humaines qui sont concernées par le personnel externalisé, mais les directions des achats qui, entre deux commandes de produits, négocient les contrats de sous-traitance et d’intérim. Néanmoins, cela ne signifie pas l’élimination pure et simple des contrats de travail, comme dans le cas des « faux indépendants », mais un report de leur gestion sur des employeurs intermédiaires. Ces derniers mettent en place une gestion plus flexible, plus brutale, en partie parce qu’ils bénéficient de législations spécifiques qui leur confèrent moins d’obligations en matière de relations de travail, mais surtout parce qu’ils commettent des illégalités que leurs commanditaires ne voudraient ou ne pourraient assumer.
Si l’externalisation d’une partie de la production a pu apporter de la flexibilité aux entreprises, cet article montre les effets négatifs que cette pratique a pu avoir sur les conditions de travail des salariés, notamment dans leur rapport avec les patrons.  
D’abord, les salariés des entreprises sous-traitantes sont moins revendicatifs et moins contestataires, malgré des conditions de travail déplorables. En effet, ils ont peur des représailles, concrètement de perdre leur emploi. « Dans l’intérim du bâtiment, il suffit de signifier le jour même à l’agence qu’on ne veut plus de tel salarié pour que le contrat de ce dernier prenne illégalement fin. Même dans le cas de la sous-traitance, il est courant que le commanditaire demande le transfert ou le licenciement d’où ouvrier sous-traitant. » Ainsi, dans ces entreprises de sous-traitance, un paradoxe apparaît : « ce sont précisément les travailleurs qui ne sont pas liés par un contrat de travail avec l’entreprise générale, ceux qui ne lui sont pas formellement subordonnés, qui lui sont le plus soumis ». Ce paradoxe s’éclaire facilement : les ouvriers sous-traitants savent que le vrai patron est le patron de l’entreprise générale, donc ils ne veulent pas se faire remarquer par lui, car ils ne sont pas protégés par un contrat de travail.
De plus, en cas de conflit, les salariés ne savent pas vers quel adversaire formuler des revendications. Lorsqu’il existe plusieurs patrons, c’est comme s’il n’en existait aucun. La société intermédiaire se présente comme victime de l’entreprise générale, alors que cette dernière dit ne pas être concernée par les agissements des sous-traitants. Le client et le sous-traitant se rejettent l’un sur l’autre les responsabilités d’employeur. L’issu du conflit dépend de la faculté des salariés à maitriser cette zone d’incertitude et de réellement « trouver le patron ».
« En divisant les collectifs de salariés, en démultipliant les employeurs sur un même site, la sous-traitance et l’intérim réduisent la possibilité d’une contestation organisée ». Ainsi, sous un morcellement apparent, le patronat sort renforcé de la sous-traitance.


Les contribution de Frédéric Pierru et de Sabine Rozier sont complémentaires. Ces études ne s’intéressent plus directement au patronat, mais à ses alliés objectifs. Quelles sont les catégories sociales qui ont intérêt à épouser la cause du patronat et à imposer ses vues à la société ?
En s’appuyant sur l’exemple de la réforme de la santé, Frédéric Pierru relève trois figures idéales-typiques du « clerc patronal » : l’intellectuel, l’économiste et le technocrate. « L’intellectuel s’adresse au public le plus large, grâce à son accès aux médias généralistes, sur le mode de la prophétie sociale qui oppose l’ancien, inévitablement « dépassé », au nouveau, nécessaire et forcément radieux ». Dans le cas de la réforme de la santé, Denis Kessler et François Ewald sont décrits comme ces intellectuels qui ont épousé la cause du patronat. Par ailleurs, « toute proposition de réforme doit, pour être audible et crédible, se référer à des savoirs économiques. » Ici, le rôle d’économiste expert peut être illustré par l’Institut Montaigne de Claude Bébéar. Enfin, le technocrate « apporte à ses employeurs sa bonne connaissance des rouages de l’Etat et sa compétence technique, mais aussi son entregent, son capital social, qui peuvent être mobilisés pour promouvoir, de façon discrète, les intérêts du monde patronal ».
Sabine Rozier analyse les démarches qui ont été mises en œuvres par des associations proches du patronat afin d'amener les français à changer d’état d’esprit à l’égard du monde de l’entreprise. Le CODICE, comme l’IDE (Institut de l’Entreprise) ont voulu imposer l’idée que les français ne comprenaient pas l’économie, et ont cherché à interférer sur la manière dont elle est enseignée. Les Sciences économiques et sociales ont été identifiées comme distillant une vision trop critique et trop pessimiste de l’économie de marché, et certaines démarches ont été tentées : proposer des stages en entreprises aux professeurs de SES pour « transformer leur état d’esprit », écrire des rapports pour réformer – ou supprimer – cet enseignement.
















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